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16 mai 2025Les olives Chemlali en Tunisie
Depuis l’antiquité, l’olivier constitue une pierre angulaire de la Tunisie qui a gardé à travers la succession des civilisations sa place prépondérante socialement, économiquement, culinairement et culturellement.
Les chiffres à eux seuls peuvent en témoigner et il suffit de mentionner que l’oléiculture en Tunisie s’étend sur plus de 1,93 millions d’hectares comportant près de 102,4 millions d’oliviers et que l’huile d’olive constitue la première de revenus en export des produits agricoles.
L’olivier est l’une des composantes fortes qui unissent tous les tunisiens quelques soient leurs régions géographiques, leurs niveau social, économique et éducatif car chaque tunisien ne peut s’en passer de l’huile d’olive, des olives ou des dérivés de cet arbre béni.
Les oliviers, adaptés aux sols et aux conditions climatiques de la Tunisie, sont cultivés sur environ 82,4 % de la surface consacrée à l'arboriculture et 46,5 % des terres arables. Plus que 80% des superficies dédiées à l’oléiculture sont en sec et leurs rendements dépendent énormément de la pluviosité locale.
Des Huiles et des saveurs :
En Tunisie, l’oliveraie est assez riche en variétés et écotypes locaux. Les travaux de prospection, d’identification et de caractérisation morphologique effectuées depuis la création de l’Institut de l’olivier en 1983 ont permis de retenir plus de 140 variétés et écotypes locaux ayant des caractéristiques organoleptiques très variées et riches en attributs de qualité sensorielles, parmi lesquelles on peut citer les plus répandues :
Chemlali : Elle domine les oliveraies du centre et du Sud et constitue la première huile produite en quantité au niveau national. Elle est bien adaptée aux climats arides et semi-arides.
Son huile se caractérise par un fruité moyen généralement mûr ou bien intermédiaire entre le vert et le mûr, légèrement amer et piquante.
Elle se distingue par son harmonie avec des notes d'amande et d'artichaut ou de de roquettes sauvages et plantes aromatiques mais aussi on peut retrouver des notes de fruits tel que la pomme, kaki, agrumes, clémentine, bergamote…, des notes de fleurs et aussi des notes vertes de roquettes sauvages, basilic…elle peut être très complexe à condition de respecter les bonnes pratiques de qualité.
Chetoui : Elle peuple la plus grande partie des oliveraies du Nord et constitue la deuxième huile produite en quantité après la Chemlali.
Elle produit une huile fruitée, avec un arrière-goût prédominant d’herbe coupée, artichaut, légumes verts ou plante aromatiques. Elle est très appréciée pour sa teneur en composés phénoliques et en antioxydants.
Gerboui : Elle est cultivée dans les régions de Béja, Jendouba et le Kef.
Au niveau sensoriel, les olives Gerboui donnent à maturité une huile douce harmonieuse, au goût moyennement fruité, légèrement amère, légèrement piquante et présentant des parfums de pomme mûre ou de fruits exotiques.
Sayali : Elle est cultivée a Tebourba et au Cap Bon. Le fruit de cette variété est de taille moyenne et de forme allongée, variété à double fin et il a une maturité précoce.
Son huile est très atypique et se distingue par des arômes de fruits rouge et de menthe.
Oueslati : Cette variété est cultivée dans la région de Kairouan.
L’huile obtenue est très équilibrée et fruitée, peu amère avec une saveur qui rappelle les amandes fraîches et l’herbe coupé et de tomate
Zarrazi : Elle est cultivée dans le Sud, principalement dans les oasis, présentant parfois quelques variations locales, cette variété, outre la production d’excellentes olives de tables, est très appréciée pour sa forte teneur en huile en dépit du fait que sa productivité soit alternante.
Son huile est fruitée vert moyen avec des notes mûres et une légère amertume et piquant avec des arômes d’herbe, de figue et parfois et de pomme
Chemchali : Elle est cultivée dans les zones du Sud-Ouest (Tozeur, Gafsa,…)
Son huile est caractérisée par un fruité vert avec des notes mûres, d’intensité légère à moyenne, une amertume moyenne, un léger piquant et des arômes variés selon la zone comprenant l’artichaut, la roquette, la tomate verte, l’amande verte, la pomme mûre, un mélange de fruit, la figue et feuille de figue, la carroube, la noix et les fruits secs.
En plus des variétés locales, d’autres variétés étrangères adaptées aux modèles de production intensifs se développent de plus en plus en Tunisie, et permettent aux agriculteurs d’avoir un retour sur investissement assez court. Il s’agit principalement de variétés de l’Arbequina, l’Arbosana, la Koroneiki, etc… et leurs huiles présentent des caractéristiques organoleptiques différentes telles que :
Koroneiki : notes de fleurs, de rose, d’œillet et de jasmin, d’artichaut et de tomate
Arbequina: notes d’amande verte, amande amer et pomme • Arbosana: herbe coupé, amande verte
Coratina: notes d’amande verte et amande amer
Ascolana: fenouille et anis, plante aromatique, fraise, melon, tomate cerise
La transformation des olives en Huile
Vers le mois de Novembre, la saison de la cueillette des olives démarre en Tunisie et s’étend sur plus que quatre mois dans certaines plantations à sec (non irrigués) surtout au sud et au centre du pays. Les olives sont cueillis principalement en utilisant des peignes manuels par des équipes d’hommes et de femmes qui étalent des filets fins sous l’arbre pour y collecter les fruits d’olives qui font tomber en faisant passer le peigne à travers les rameaux portant les fruits. Une fois collectés, les olives sont remplis dans des caisses en plastiques ou des sacs pour être transportés à l’huilerie et travaillés.
Pour avoir une bonne huile, il faut respecter certaines règles élémentaires à la cueillette comme bien choisir la maturité de l’olive pour le cueillir, ne pas endommager le fruit en le frappant, utiliser des filets adéquats pour ne pas imprégner le fruit par le gout du sable ou des restes liquides d’anciens fruits, utiliser des caisses plastiques propres et aérés pour le transport, ne pas stocker les olives dans des endroits chauds non aérés exposés aux rayons du soleil et presser les olives dans les vingt-quatre heures qui suivent leur cueillette afin d’éviter la fermentation et l’oxydation des fruits.
Plus de 1750 huileries sont réparties sur le territoire tunisien, et ce nombre est en nette progression lors de cette dernière décennie soit par création de nouveaux moulins modernes soit par la modernisation des huileries traditionnelles.
Le choix de l’huilerie est un facteur déterminant pour obtenir une huile de bonne qualité. En effet, la transformation des olives en huile passe par plusieurs étapes qui apparaissent rudimentaires mais en vérité sont très astucieux et délicats qui nécessitent une profonde maitrise technique des équipements, une large expérience et une rigueur opératoire pour respecter les paramètres opératoires et les exigences de qualité.
L’huile d’olive vierge extra est un jus de fruit dont les conditions d’extraction déterminent ses caractéristiques organoleptiques et physico-chimiques
Les principales étapes de transformation des olives en huile sont :
- L’Effeuillage, tamisage et lavage des olives : Lors de cette opérations tous les résidus autres que les olives sont enlevés et les fruits sont lavés pour enlever toute saleté qui peut détériorer la qualité de l’huile
- Le Broyage : permet de décomposer les tissus végétaux et libérer l'huile. Cela permet d’obtenir une pâte homogène, prête à passer à la phase d’agitation
- Le malaxage : c’est le processus de préparation de la pulpe pour l'extraction et contribue au développement des propriétés physicochimiques et organoleptiques de l'huile extraite. En effet c’est au cours du malaxage qu’il y la fabrication des aromes du fruité d’olives ainsi que la détermination du taux des composés phénoliques dans l’huile.
- L’extraction : il existe deux principales méthodes d’extraction en Tunisie :
- L’extraction par pression (huileries traditionnelles) : C'est la méthode ancienne, qui sépare le moût d'huile du grignon par une filtration sous l'effet de la pression. La pression est obtenue dans une presse hydraulique ouverte en disposant la pâte d'huile en couches minces alternées avec des disques en fibre, appelés scourtins, en une tour mobile. Jusqu’à aujourd’hui encore plusieurs personnes préfèrent les huiles qui proviennent des moulins traditionnels, mais ils ignorent peut-être que les chaînes modernes ont été créés et mises au point pour garantir une qualité d’huile supérieure en respectant les besoins de chaque étape.
- L’extraction par centrifugation : C'est une méthode de grande diffusion parce qu'elle permet de surmonter les multiples inconvénients associés à l'extraction par pression. La pâte d'huile est soumise à une centrifugation dans un tambour conique tournant sur un axe horizontal (décanteur). La centrifugation se fait à une vitesse de rotation d'environ 3 400 tours par minute. Sous l'effet des différences de poids spécifiques, la centrifugation sépare deux ou trois phases.
- Le stockage de l’huile d’olive : L’huile doit être maintenue à l'abri de l'air et loin de la lumière, donc dans un récipient alimentaire fermé et opaque, pour éviter tout processus oxydatif. Et surtout, on doit la préserver de la chaleur.
Afin de contrôler la qualité de l’huile d’olive et de sa stabilité sur toute la chaine de la production et jusqu’au consommateur final, il faut se faire accompagner impérativement par les laboratoires d’analyse sensorielles et physico-chimiques spécialisés dans ce domaine et qui assurent l’échantillonnage et l’analyse de l’huile lors des différentes étapes.

Une Nouvelle Génération d’oléiculteurs et des Success Stories
Durant les dernières décennies, une nouvelle génération d’agriculteurs et d’oléiculteurs est en train de naitre constituée principalement par des jeunes et aussi les femmes qui portent avec eux des idées innovantes et cherchent à donner plus de valeurs à l’huile Tunisienne et acquérir une notoriété internationale, qui s’est axée autour de ces thèmes :
- L’agriculture biologique et la certification
- Une approche qualité axée sur les analyses sensorielles de l’huile
- Une meilleure visibilité par les technologies de l’information et l’E-commerce
- La Participation aux concours internationaux
- L’association de l’agro tourisme et l’oléiculture
- Le conditionnement et design des huiles
- Manifestations culinaires liées à l’huile d’olive
Plusieurs success stories sont à noter ces dernières années, comme celle des deux sœurs qui ont créé la marque A&S dans la région de Mateur et se sont reconverties à l’agriculture et retour aux sources, ensuite elles ont persévéré dans la recherche de la qualité et de l’excellence. Leurs efforts ont été couronnés par la création de leur bouteille conditionnée A&S qui a raflé plusieurs prix au niveau national et international.
Au-delà de ça, elles ont poursuivi sur leur lancée et ont intégré le monde culinaire en faisant connaitre les recettes tunisiennes associées aux huiles d’olive dans le monde entier.
Les défis d’amélioration de l’Oléiculture en Tunisie
Malgré l’importance du secteur oléicole en Tunisie, il demeure au-delà de son vrai potentiel et peut améliorer les revenus et l’employabilité des Tunisiens, surtout par ces recommandations :
- Renforcer la démarche qualité de l’huile d’olive sur tous les niveaux de la chaine de production, à savoir :
- Réduire le temps d’attente des olives dans les huileries,
- La mise à niveau des huileries pour les adapter aux normes de qualité (équipements, propreté, paramètres opératoires…)
- Augmenter le nombre de laboratoires d’analyses d’huile (Sensorielle et physico-chimique) et exiger un contrôle de qualité de l’huile dans toutes les étapes
- Assurer un stockage adéquat permettant de préserver la qualité de l’huile loin de l’oxydation et de la contamination
- Encourager les petits producteurs à conditionner leurs bouteilles et leur ouvrir les marchés internationaux : Les SMSA sont une solution pour grouper les petits producteurs pour avoir les moyens financiers et marketing afin de pouvoir faire écouler leur produit avec un plus-value
- Prévoir des crédits agricoles pour les petits agriculteurs (souvent les habitants des villages éloignés et défavorisés) à hauteur maximale de 50 milles dinars à taux d’intérêts très réduits avec grâce afin de pouvoir créer leurs oliveraies dans un modèle intégré et sans grandes garanties
- Améliorer la visibilité dans les foires et manifestations internationales par des stands bien travaillés et crées par des jeunes innovateurs se basant sur des techniques de communications innovantes et attractives (éviter les stands monotones et statiques)
- Réviser les textes législatifs afin de faciliter les conditions d’exportation et faciliter les démarches bureaucratiques tout en gardant les contrôles qualités pour protéger l’image de marque de l’huile Tunisienne
- Introduire dans le système éducatif Tunisien les bases élémentaires de l’agronomie dés les premières classes de l’enseignement primaire
- Améliorer les services des institutions publiques opérant dans le secteur des olives et des huiles d’olives afin de fournir le support nécessaire à tous les agriculteurs, les former gratuitement sur plusieurs thèmes concernant la qualité, la conduite des oliveraies, la valorisation de leurs huiles, etc…
- Encourager la création des appellations d’origine contrôlées comme la « DOP huile d’olive de teboursouk » qui repose sur l’alliance des trois variétés chetoui, jerboui et sayali