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Rédactrice Mayalen Zubillaga
Porté par la vogue de la fermentation maison, le garum a le vent en poupe. Cette sauce de poisson fut, pendant l’Antiquité, l’un des produits les plus consommés et commercialisés autour de la Méditerranée.
L’art de la conservation
Si vous connaissez le nuoc-mâm vietnamien, alors vous avez une idée de ce qu’était le garum romain. Ce condiment riche en umami (le fameux goût de revenez-y !) régna dans les cuisines du pourtour méditerranéen pendant de nombreux siècles. Dans le De re Coquinaria, recueil culinaire attribué à Apicius, il est présent dans des dizaines de recettes sous le nom de liquamen. Le principe : conserver des poissons, menus fretins ou autres produits marins, ou encore leurs déchets (entrailles, sang, branchies…), en les faisant macérer avec du sel. Celui-ci empêche la putréfaction et permet la fermentation.
Du siqqu au garum
Historiquement, on trouve des traces de garum bien avant la période romaine. Le siqqu mésopotamien, sorte de pâte de poisson plus ou moins épaisse fabriquée selon le même procédé, est attesté sur une tablette gravée datant de 1700 av. J.-C. En augmentant la durée de la fermentation, on obtint la version liquide du garum, surnageant sur les résidus et plus proche du nuoc-mâm.
Les Grecs appelèrent ce condiment « garos », donnant « garum » chez les Romains. Ces derniers, pas si fous, industrialisèrent sa production sur presque toutes les rives de l’Empire, particulièrement en Espagne, en Afrique du Nord et sur les côtes italiennes. La diversité était de mise selon les espèces utilisées, les ingrédients ajoutés (herbes aromatiques, poivre, vin…), la texture recherchée ou même la période concernée. Tous les garums faisaient l’objet d’échanges intenses et certains étaient réputés luxueux.
Le regain des sauces de poisson
Si le garum déclina en même temps que l’Empire romain, il reste çà et là quelques survivances locales qui, comme les potions antiques, ont majoritairement un usage condimentaire. Elles sont confectionnées avec des tout petits poissons, notamment des anchois. En Italie règne ainsi la colatura di alici du village de Cetara, un liquide ambré d’une grande finesse gustative, qui assaisonne par exemple des pâtes ou des légumes. Dans le sud de la France, le pissalat de la Côte d’Azur contraste avec la douceur des oignons confits de la pissaladière, et les mélets de l’étang de Berre, très confidentiels, sont mangés avec du pain par les amateurs de saveurs fortes. Pissalat et mélets perpétuent le garum sous forme de pâte (hallex) plus ou moins épaisse, à l’image, par exemple, du mahyawa du sud de l’Iran.
Aujourd’hui, des pêcheurs font renaître la tradition artisanale du garum, y compris en eaux douces, et plusieurs cuisiniers ou cuisinières, parfois étoilés, élaborent leurs sauces maison pour apporter du relief à leurs plats. Le garum retrouve pleinement ses vertus d’exhausteur de goût et permet de ne pas gaspiller déchets et parures. Sa déclinaison contemporaine est surtout associée à René Redzepi, chef du restaurant Noma à Copenhague – fermé fin 2024 –, qui lui a consacré un chapitre entier dans le Guide de la fermentation du Noma (Le Chêne, 2018).
POUR ALLER PLUS LOIN :
Vous pouvez vous plonger dans l’ouvrage collectif Gare au garum paru en 2024 aux Éditions de l’Épure,
un tour du monde des sauces de poisson en récits et en recettes.
Franck Curk & François Luro, « La sélection naturelle et dirigée chez les agrumes », Le Grand Mezzé, Actes Sud/MUCEM, 2021.
