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16 mai 2025Les agrumes en Méditerranée, des parfums venus d'ailleurs?

Rédactrice Mayalen Zubillaga
Bigarades d'Andalousie, oranges "maltaises" de Tunisie, cédrats et clémentines de Corse, Citrons de Menton, de Sorrente ou de Syracuse, oranges sanguines de Sicile, bergamotes de Calabre, limonettes de Marrakech, limes douces de Palestine… On pourrait croire que les agrumes sont nés en Méditerranée, dont les rivages sont ponctués depuis des siècles par leurs vergers parfumés, mais non ! Comme de nombreuses autres cultures emblématiques de la région, ils sont venus d'ailleurs, par étapes, à travers un long processus d'acclimatation, d'échanges commerciaux et de sélection variétale. Petit rappel hespéridé.
Des fruits asiatiques
L'histoire des agrumes aurait débuté il y a plus de huit millions d'années dans le Sud-Est asiatique, d'où sont originaires les quatre espèces ancestrales à l'origine de toutes les autres : cédratier, mandarinier, pamplemoussier et papeda. Ce n'est qu'au cours de l'Antiquité, probablement au IIIe siècle avant notre ère, qu'ils auraient été introduits dans le bassin méditerranéen, à commencer par le cédrat. Fruit sacré dans certains rites juifs traditionnels, il fut longtemps cantonné à des usages liturgiques, médicinaux ou cosmétiques avant de révéler ses délices, par exemple en confisage. Il est cultivé dans plusieurs pays autour de la Grande Bleue.
Parmi les autres fruits typiques de la Méditerranée, la bigarade ou orange amère serait arrivée vers le Xe siècle avec les Arabes qui, à travers leur art des jardins et de l’irrigation, jouèrent un rôle important dans la culture des agrumes au Maghreb, en Espagne ou en Sicile. Les vergers andalous, c’est elle ! L’orange douce aurait été apportée par des navigateurs portugais depuis l’Extrême-Orient à la fin du XVe siècle, et la mandarine aurait débarqué au XIXe siècle après avoir transité par… l’Angleterre. Et le citron, qui parfume toutes les cuisines de la région ? Certains avancent qu’il aurait été importé par les Arabes, d’autres qu’il serait apparu au sein même du bassin méditerranéen.
La Méditerranée, terre de culture et d’hybridation des agrumes
Les Méditerranéens tombèrent bien sûr amoureux de la beauté et des parfums de ces arbres parés de fruits colorés. Ils se mirent rapidement à les cultiver, faisant du pourtour de la Méditerranée un grand bassin d’accueil mais aussi de diversification des agrumes. Ceux-ci sont en effet caractérisés par une capacité d’hybridation exceptionnelle, d’une manière naturelle ou avec l’aide des humains.
La clémentine, par exemple, est née à la fin du XIXe siècle, en Algérie, de la rencontre entre une mandarine commune et une orange douce. Elle est devenue une production caractéristique de l’agrumiculture corse. Quant à la bergamote, hybride naturel entre le citron jaune et la bigarade (elle-même mère du citron jaune !), elle n’a pas révélé tous ses mystères mais pourrait avoir vu le jour en Europe méditerranéenne. Très utilisée en parfumerie ou pour donner son arôme typique au thé Earl Grey, elle est aujourd’hui une culture phare de la Calabre. Autre exemple méditerranéen : la limonette de Marrakech, parfois appelée « citron bergamote » et issue d’un croisement entre la bigarade et le cédrat. On la nomme au Maroc « citron beldi » et on l’utilise pour préparer les fameux citrons confits au sel.
Bref, les agrumes sont devenus en Méditerranée un véritable patrimoine agricole, culinaire et culturel. C’est aussi de là, plus exactement de l’Europe, qu’ils ont gagné les Amériques au XVe siècle. Le pomelo, né dans les Caraïbes d’une orange et d’un pamplemousse, est revenu en Méditerranée où il s’est parfaitement acclimaté, par exemple en Corse où, comme la clémentine, il bénéficie d’une Indication géographique protégée (IGP).
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