Les Zones bleues, des territoires pour vivre centenaires ?

Tout commence au cœur de la Sardaigne, dans la province montagneuse de Nuoro. Au début des années 2000, le médecin sarde Gianni Pes et le démographe belge Michel Poulain constatent un phénomène démographique hors norme : une concentration inhabituelle de centenaires dans plusieurs villages, notamment à Seulo. Intrigués, ils croisent les registres d’état civil avec des enquêtes de terrain, validant scientifiquement la longévité exceptionnelle de ces populations.

C’est en entourant ces villages d’un cercle bleu sur leur carte qu’ils forgent le terme aujourd’hui mondialement connu de "zone bleue". Ces zones désignent des territoires où les habitants vivent significativement plus longtemps que la moyenne, souvent au-delà de 90 ou 100 ans, avec peu de maladies chroniques.

Cette découverte donnera lieu à des recherches internationales et inspirera d'autres enquêtes dans le monde. Les zones bleues seront popularisées par l'auteur et explorateur Dan Buettner, en partenariat avec des chercheurs et démographes, et permettront d'aboutir à l'identification de quatre autres zones bleues : Okinawa (Japon), Nicoya (Costa Rica), Ikaria (Grèce) et Loma Linda (Californie) et plus récemment la Martinique (cf Michel Poulain

Les études réalisées sur ces populations mettent en lumière une combinaison de facteurs de protection. Le mode de vie y intègre notamment :

• Une alimentation principalement végétale, qui contient des fibres, des antioxydants et des micronutriments, tout en limitant la consommation de produits ultra-transformés
• Une activité physique modérée mais régulière, intégrée aux activités quotidiennes (marche, jardinage…)
• Un réseau social dense et solide, un élément reconnu pour favoriser la longévité et le bien-être mental
• Un ensemble de méthodes de gestion du stress, comme la sieste, la prière ou la méditation
• Une forte cohésion communautaire et intergénérationnelle, associée à un sentiment d’utilité sociale, y compris à un âge avancé.

Le régime alimentaire méditerranéen présent à Ikaria et en Sardaigne repose sur des apports importants en légumes, fruits, légumineuses, huile d’olive, céréales complètes, et une consommation modérée de produits animaux et de vin rouge, souvent dans un cadre social. Ce modèle est aujourd’hui largement reconnu dans la littérature scientifique pour ses effets positifs sur la prévention des maladies chroniques : Maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, syndrome métabolique ou encore déclin cognitif.

Les zones bleues ne constituent pas des "recettes miracles", mais des environnements où s'articulent de façon harmonieuse alimentation, activité physique, réseau social, spiritualité et rythme de vie. En cela, elles offrent un cadre d'analyse précieux pour repenser les politiques de santé publique et les stratégies de prévention.

L’étude de ces zones souligne enfin l’importance d’une approche holistique de la santé, croisant nutrition, environnement, culture et comportement, dans une logique de durabilité et de bien-être global.