
Banon, le petit fromage qui s’effeuille
24 juillet 2025Petit épeautre, il a tout d’un grand
C’est une céréale très ancienne qui, dans le pays de Forcalquier et les terres arides de Haute-Provence, a trouvé les conditions idéales de son renouveau. Éclairage sur un blé parfaitement adapté au climat méditerranéen.
Un blé très ancien
L’engrain (Triticum monococcum), appelé en Provence « petit épeautre » (pichoto espèouto chez Frédéric Mistral), est l’une des premières céréales domestiquées dans le Croissant fertile il y a environ 11 000 ans. Fait notable, ce blé primitif n’a pas ou peu été modifié par l’homme depuis ses premières cultures néolithiques.
Il est dit « vêtu » car ses grains nécessitent un décorticage avant d’être consommés ou moulus, contrairement à ceux des blés « nus » tel le blé tendre, qui perdent facilement leur enveloppe au moment du battage. C’est l’une des raisons expliquant l’abandon progressif du petit épeautre qui présente, de plus, un faible rendement.
Le regain de l’engrain
Il connaît cependant, depuis les années 1990, un renouveau lié à ses qualités agronomiques, notamment en Haute-Provence où sa robustesse lui a permis de se maintenir pendant plus de 9 000 ans. Adapté aux sols pauvres, arides et pierreux, capable de pousser sans engrais, résistant aux ravageurs aux maladies, il correspond aux exigences d’une agriculture durable.
Son profil nutritionnel est, de plus, très intéressant : richesse en fibres et protéines complètes (le petit épeautre contient les 8 acides aminés essentiels à l’organisme), faible taux de gluten, composition équilibrée en minéraux. Sa teneur en caroténoïdes lui donne sa teinte orangée.
Deux IGP pour le prix d’une
La relance dans le sud-est de la France de la culture du petit épeautre s’est appuyée sur le soutien de l’association Slow Food*, qui en a fait un produit « Sentinelle » dès 2005, et sur la mise en place d’une IGP (Indication géographique protégée) « Petit épeautre de Haute-Provence ». Celle-ci a été obtenue en 2009 pour les grains et en 2010 pour la farine.
Les cahiers des charges exigent notamment une culture sans pesticides entre 400 et 1 300 mètres d’altitude. La farine est élaborée chez des meuniers agréés, avec des grains décortiqués localement. Aujourd’hui, les deux produits, souvent bio, font pleinement partie du patrimoine céréalier de la région. Leur goût typé, marqué par des arômes de noisette et de foin, séduisent dans de nombreuses préparations salées ou sucrées.
* Slow Food est un mouvement international fondé en Italie en 1986. Il a pour objectif de défendre et de promouvoir une alimentation « bonne, propre et juste » pour tous et toutes. Parmi les actions menées par Slow Food, les « Sentinelles » sont des projets de valorisation de produits artisanaux, variétés végétales ou races animales locales, traditionnels et souvent menacés de disparition, ainsi que des communautés, des savoir-faire et des paysages qui leur sont associés.
BON A SAVOIR :
Le petit épeautre ne doit pas être confondu avec le grand épeautre ou épeautre tout court (Triticum aestivum subsp. Spelta), une céréale vêtue elle aussi, mais qui ne correspond pas à la même plante. Génétiquement, l’épeautre se rapproche davantage du blé tendre.
En 2018, Slow Food a lancé une autre « Sentinelle » autour du petit épeautre, celui du Rif marocain, afin de prévenir son extinction. Traditionnel dans cette région de grande biodiversité, l’engrain a progressivement été abandonné pour des céréales hybrides à haut rendement. Sa culture est parfaitement adaptée aux terres rudes du Rif.